Rappel et contexte
C’est le grand Winston Churchill qui en 4 mots a fixé toute la stratégie de l’Angleterre lors de la 2e Guerre mondiale : « We will never surrender » (Nous ne nous rendrons jamais).
De la même façon, en décembre 2016, M. Benoit Théroux déclarait à propos de Statera : « Nous avons une obligation de résultat ». Il était alors président du conseil d’administration du Regroupement pour la relance économique de la région de Sorel-Tracy (RIRÉRST). C’était lors d’une cordiale entrevue qu’il m’accordait sur IPIX.TV.
Ironiquement, comme il l’arrive quelques fois lors d’une entrevue, c’est moi qui lui aie soufflé l’expression à l’oreille (22e minute). Finalement, ce que l’on ne savait pas à l’époque, du moins à mon niveau, c’est que tout le reste en serait teinté. Il faudrait nourrir au détriment du reste, ce qui était alors présenté comme la mère de tous les projets, devant ramener Sorel-Tracy au sommet de sa gloire passée.
Ainsi, Benoit Théroux déclarait en juin 2018 à propos du Parcours intérieur interactif (PII ci-après), le produit phare de Statera : « Le projet est devenu beaucoup plus grand et fantastique que son entité seule sur le quai du Traversier.»
Ce n’est là qu’un aperçu des commentaires dithyrambiques tenus à l’époque concernant Statera, par tout un chacun, médias inclus. Ne voulant pas être en reste, sans doute victime de cette frénésie collective, j’ai même apporté ma contribution en publiant un billet sincère avec le titre (7 avril 2017) : « Statera, la 104e île : un slogan brillant ». Le tout dans une sorte de « crois ou meurt » collectif où même les moins sceptiques étaient automatiquement qualifiés de « chialeux », de « détracteurs » et donc, mis au ban du Tout-Sorel-Tracy.
Le RIRÉRST et M. Serge Péloquin n’avaient pas le choix. Ils s’étaient créé leur propre légende à partir d’Écomonde et ils ont tellement gonflé Statera son rejeton, que la fuite par en avant jusqu’au-boutisme est devenue encore aujourd’hui, la seule solution pour ne pas perdre la face ; d’autant plus que le tout est accoté sur l’argent des contribuables de Sorel-Tracy à disposition.
Ainsi en janvier 2018, dans une mise en garde publique, je concluais dans une lettre ouverte au SorelTracy Magazine : « Si j’étais conseiller financier… sauf si vous voulez être un bon citoyen corporatif, je ne vous recommanderais pas comme client de mettre de l’argent dans Statera, du moins pour l’instant. » Statera n’était pas et n’a jamais été un produit d’appel touristique comme tous le prétendaient à l’époque. Mais le narratif « staterien » était tellement puissant et le conseil municipal de Sorel-Tracy totalement captif du RIRÉRST, un État dans l’État à l’époque, que le jugement a foutu le camp.
Avec le passage des années, il y a de moins en moins de gloire à avoir raison et de plus en plus de bonheur à réussir collectivement. En ce sens, avec la fin de la saison 2022 qui approche, en prévision de l’élection municipale du 20 novembre prochain et pour jeter un regard sur 2023 et plus, il est utile d’examiner en toute transparence, une estimation de l’achalandage (pour 2022) du produit phare de Statera, celui de son Parcours intérieur interactif.
L’achalandage du PII, 2018-2021, entre espoir et déception
Écomonde devait accueillir en 2014, près de 150 000 visiteurs et 240 000 en 2016. En 2018 à l’ouverture, on visait 37 000 visiteurs pour ce qui était devenu Statera et 30 000 pour 2019.
Selon l’information disponible, Statera a accueilli en 2018, environ 8 700 visiteurs payants ; 7 à 8 000 en 2019 et aucun en 2020 pour cause de pandémie.
En 2021, avec une frontière américaine fermée et des voyages outre-Atlantique réduits, Statera a vendu 23 319 billets selon M. Thierry Migeon, DG de Statera. Ce qui est l’équivalent estimé de 10 100 visiteurs puisqu’il faut diviser le nombre de billets vendus par un nombre situé entre 2 et 3, ceux-ci étant vendus en duo – PII et dôme – ou en trio en incluant la croisière. Après examen, le facteur de 2,3 a été retenu. Ce qui nous donne un taux d’occupation estimé du PII pour 2021 se situant autour de 26 % (510 places/jour sur 75 jours ouvrables en 2021) 1.
Achalandage du PII en 2022 : la fin d’un cycle
À partir des données accessibles au public par le biais de la billetterie de Statera, nous pouvons estimer le taux de fréquentation du Parcours intérieur interactif à 19,3 % (graphique ci-après) pour la période allant du 24 juillet au 28 août 2022. Selon cette estimation, cet achalandage est au plus bas depuis son ouverture en 2018 et en décroissance.
Les données ont été compilées sur 30 jours consécutifs en période de pointe estivale, plusieurs fois par jour, pour un total de 177 relevés manuels (moyenne de 5,9 relevés par jour). Ce qui en fait, un résultat statistiquement significatif (voir ci-après en annexe : Notes méthodologiques et échantillonnage).
Des 30 jours d’échantillonnage pour 71 jours d’ouverture totale en 2022, en posant l’hypothèse que les 2/3 des gens sont venus sur le site pendant la pointe de la période des vacances, nous pouvons extrapoler que 4 180 billets auront été vendus pour le PII à la fin de la saison. Ce qui nous donnerait un taux de fréquentation global de 12,2 %. C’est donc une baisse significative par rapport aux années précédentes. Ainsi, 2022 se révélerait l’année la moins fréquentée du PII depuis son ouverture en 2018.
Sur cette base, les revenus estimés tirés du PII seraient de 54 298 $ (4 180 billets à 12,99 $). Ce qui couvrirait à peine les seuls frais d’intérêt pour le 1 039 773 $ d’une partie de la dette de Statera, réclamée en avril 2022 à la ville de Sorel-Tracy par son conseil d’administration.
Dans ce contexte, on voit difficilement comment Statera pourrait simplement faire ses frais en 2022. Il faudrait environ 348 personnes/jour dans le PII pour les 17 jours de la campagne restante de 2022, pour rejoindre le niveau de 2021.
Rappelons que le RIRÉRST qui gère Statera comme organisme sans but lucratif n’a jamais généré aucun revenu. En ce sens, tous les emprunts du RIRÉRST sont cautionnés (accotées) par les contribuables de Sorel-Tracy (chez Desjardins). En cas de faillite de Statera, nous devrons assumer ces emprunts qui iront s’ajouter à notre dette municipale.
Impacts des croisières sur le PII
Le volet « croisière » fonctionne très bien. L’examen intuitif des données d’achalandage pendant les 30 jours nous indique que cette activité est totalement indépendante du PII. Autrement dit, c’est comme 2 clientèles complètement différentes ; la croisière n’est pas la locomotive du PII.
Par exemple, pour la seule journée du 28 août 2022, 11 relevés ont été effectués à partir de la billetterie de Statera. Le PII aurait reçu 39 visiteurs (8,7 % d’occupation), mais plus de 93 personnes auraient participé à la croisière en 2 voyages, pour un taux d’occupation de 69 %.
Les visiteurs viennent à Sorel-Tracy pour la croisière et ignorent le PII ; pourtant, la tarification et le site internet de Statera sont attrayants.
Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Dans l’entrevue ci-haut mentionnée, M. Théroux précisait déjà en 2016 (23e minute) qu’après la 4e année du parcours, notamment dans un contexte d’évolution technologique, il « … ambitionne de renouveler l’expérience » c.-à-d. le PII. Manifestement, nous sommes rendus à prendre une décision concernant l’avenir du PII puisqu’il termine sa 4e année, avec une performance nettement en retrait des attentes (Note : En terme technologique, le PII est probablement beaucoup plus âgé que sa 4e année).
Pour la suite des choses, il faut construire sur les acquis puisque le quai Catherine-Legardeur fait maintenant partie du paysage de la ville de Sorel-Tracy.
Ainsi, comme recommandation, je réitère le libellé de mon engagement électoral de 2021 (Modifié le 29 août 2022) : « Au terme de la saison 2022, effectuer par le biais d’un tiers indépendant, un audit complet et transparent de Statera et demander un plan d’affaires en vue de la saison 2023, sur un horizon de 3 à 5 ans.
Cet audit doit inclure toute la stratégie de développement associée au quai Catherine-Legardeur, notamment et sans s’y limiter, les engagements de Sorel-Tracy avec IO Expériences et le restaurant Les Années folles » (Engagement 24).
Aller de l’avant
Malheureusement, force est de constater que Statera n’aura pas été le succès que nous espérions tous et toutes. Malgré tout, les artisans d’Écomonde-Statera y auront mis toute leur énergie, leur bonne volonté, leur savoir-faire et leur imagination. Pour cela, il faut leur rendre respectueusement hommage et les remercier.
En bout de piste, avec le départ de Serge Péloquin et l’avenir incertain du restaurant Les Années folles, c’est le moment idéal pour revoir l’ensemble du développement du quai Catherine-Legardeur.
Jocelyn Daneau, jocelyndaneau@gmail.com
1 Ces données d’achalandage sont des ordres de grandeur puisqu’il y a beaucoup de variabilité dans celles-ci. Lesquels varient selon le média, le porte-parole de Statera et ses intentions du moment, la période de l’année, mes hypothèses de calcul, etc.
ANNEXE – Notes méthodologiques et échantillonnage
En recherche appliquée, peu importe le domaine : marketing, économie, sciences pures, si nous voulons vérifier une hypothèse, obtenir un résultat ou consolider une preuve, ça prend des données. C’est un passage obligé et c’est l’esprit de cette compilation qui à certains égards, a relevé du marathon.
Mais à cause de contraintes de temps et de disponibilité, l’objectif de cet échantillonnage était de permettre de dégager une solide tendance, de préférence à une stricte exactitude des données. C’est pourquoi TOUS les résultats sont des estimations.
Ainsi, environ 5,9 relevés des billets vendus ou des places disponibles ont été effectués chaque jour où Statera était ouvert, entre le 24 juillet et le 28 août 2022. C’est la période de pointe estivale. L’échantillonnage a été arrêté avant la tenue des Régates de Sorel-Tracy, puisqu’il s’agit d’un événement exceptionnel sur la durée de vie du PII.
Source des données – Billetterie Statera : https://secure3.xpayrience.com/statera_larchipel_fabuleux
Au total, l’échantillonnage couvre 30 jours consécutifs pour 177 relevés. Ce qui est conforme à la norme de n ≥ 30 pour postuler une distribution normale des données c.-à-d. pour détenir un échantillon statistiquement significatif.
Comme les données disparaissaient du site de Statera aux demies de l’heure, la prise de l’échantillon se faisait quelques instants auparavant, pourvu que cela ait été possible dans le déroulement d’une journée. Comme Statera ouvre à 11 h., un premier relevé était toujours effectué au plus près de cette période.
De même, en cas de questionnement sur la qualité des données, leur maintien et leur utilisation ont été privilégiés. En ce sens, en cas de dilemme, Statera a toujours été favorisé dans les choix effectués.
À ce titre, un test de normalité (Loi normale) simple à l’aide de l’examen visuel d’un histogramme a été effectué. Il nous montre un échantillon qui a toutes les apparences d’être normalement distribué et donc, aléatoire. Ce qui indique que nous avons un échantillon robuste.
Ainsi, la moyenne de l’échantillon est de 93 billets vendus par jour et la médiane est de 95. En statistique, lorsque la moyenne égale la médiane, l’échantillon est réputé parfaitement et normalement distribué. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, nous pouvons dire que l’échantillon est presque normalement distribué. Donc, les résultats obtenus sont probants, même s’ils sont qualifiés d’estimations.
Tous les relevés ont été effectués à partir du système de billetterie de Statera pour le Parcours intérieur interactif. C’est donc de l’information publique de première main et de qualité. En effet, ce système donne en continu, le nombre de places disponibles. Ainsi, Statera offre pour le PII, 30 places par tranche de 30 minutes. Il est alors facile par différence, de déterminer le nombre de billets vendus.
Pour la période du 20 juillet au 10 août, Statera offrait 510 places par jour (16 jours). À partir du 11 jusqu’à 28 août, Statera offrait 450 places par jour pour le PII (14 jours). C’est à partir de la fin de semaine caniculaire du 6 et du 7 août que Statera a décidé de retrancher 2 périodes de 30 places à la toute fin de la journée. Cette décision était d’autant plus appropriée que l’on remarque rapidement que les plages de disponibilité à partir de 17 h. sont très peu utilisées.
Cependant, cette réduction du nombre de plages disponibles a imposé de pondérer tous les résultats en fonction du nombre de jours. Ainsi, sur les 30 jours d’échantillonnage, 16 jours ont été attribués au modèle « 510 places » et 14 au « 450 places ». C’est une façon de faire standard en statistique.
Le nerf de la guerre, c’est d’obtenir l’information sur le nombre de places disponibles. Une fois cela fait, le reste demande un traitement en statistique de base avec Excel.
Naturellement, à la demande de Statera, les données utilisées dans les estimations obtenues peuvent être corrigées.
Vous trouverez l’ensemble des données utilisées en suivant l’hyperlien suivant : statera-pii-achalandage-2022-jdaneau.
JDaneau